Techniques

L’art du sumi-e

Plus qu’un art graphique le sumi-e (littéralement dessin à l’encre) est, au même titre que la calligraphie japonaise, une voie dont la philosophie repose sur l’intime recherche d’un équilibre entre un regard extérieur et une liberté intérieur jusqu’au bonheur de participer à la création par l’expérience simple de tracer.

Le sumi-e permet d’écrire une peinture ; en japonais peindre est écrire ont le même verbe « kaku ». Peinture et écriture se marient dans une commune source d’inspiration. Avec l’art zen, le fossé entre réalité concrète et vision spirituelle tend à disparaître. Depuis des siècles, le peintre de sumi-e cherche à reproduire l’esprit des choses avec économie rapidité et dextérité dans une atmosphère plus suggestive que détaillée. Le sumi-e est l’art du juste nécessaire.

Les conditions requises dans l’apprentissage de l’art du sumi-e sont la réceptivité, la vigilance, la lucidité, la tendresse, une profonde capacité d’observation, une attitude d’accueil à la fois attentive et contemplative du monde. La grande difficulté pour un peintre occidental est d’oublier tous les a priori, toutes les références issues d’une culture cartésienne.

Il lui faudra recevoir, voir, distinguer, observer, écouter avec les yeux, entendre avec la peau, voir avec les oreilles pour que pénètre en lui les formes, les nuances, les lumières de l’univers.

« Voir et voir sont deux choses différentes » dit un proverbe japonais

La calligraphie japonaise

La calligraphie japonaise fait partie, avec la peinture à l’encre et la poésie, des trois arts majeurs en Extrême Orient. Elle est une approche esthétique du l’écriture, à l’encre et au pinceau, des caractères de la langue japonaise.

La conduite du pinceau doit être rigoureuse. Elle demande un apprentissage quant à la prise en main du pinceau, différente de la manière occidentale, et de la conduite de celui-ci. La fabrication de l’encre obtenue par frottement du bâton sur la pierre à encre, déterminante dans le résultat final, est le moment indispensable à l’entrée en concentration du calligraphe

Le geste calligraphique impose une discipline rigoureuse, impérieuse, institutrice de patience, d’exactitude et d’humilité.

Mais les bases acquises, l’encre et le pinceau offrent des richesses infinies dans l’aspect des tracés selon les styles utilisés : écriture régulière (peu utilisée chez les calligraphes), semi-cursive, cursive, créative, selon les nuances de l’encre, l’épaisseur des traits, la taille des caractères et la disposition de ceux-ci.

Donnant autant à voir qu’à entendre la calligraphie japonaise, architecture du verbe et musique de l’âme, est un art, une voie qui offre une grande liberté d’expression

L’art du Haïga

Si la juxtaposition d’un texte et d’une image existe en Asie depuis la nuit des temps, l’art du haïga, lui, est une tradition picturale spécifiquement, authentiquement japonaise. La pratique du haïga met en présence, dans une seule composition, une poésie, habituellement un haïku, la calligraphie au pinceau de celui-ci et une peinture monochrome (sumi-e) suggérée par le haïku. Ces trois disciplines partagent le même esprit, les mêmes outils et le même médium ; trois disciplines qui s’enrichissent l’une l’autre.

La cursivité de l’écriture des caractères (kana et sinogrammes) favorise la présence de tracés perçus en tant qu’éléments visuels. Le poème devient doublement présent d’une part par les tracés et d’autre part dans un référent poétique auquel renvoie la valeur sémantique des caractères. L’image, suggérée par le poème, lui fait écho. Dans une singulière complicité, poème et image, grâce à leur relations plastiques, dialoguent selon un principe d’intelligence expressive. Le haïga est une entité. L’image n’est pas simplement une juxtaposition pas plus que le poème n’est une légende.

Le haïga est le résultat de rencontres miraculeuses entre différentes puissances poétiques qui conduisent le poète, le peintre-calligraphe et le lecteur-spectateur re-créateur fictif à une opération magique.